théâtre
BRUME DE DIEU

de Tarjei Vesaas, mise en scène Claude Régy

27 Mars ► 31 Mars 2012

© Brigitte Enguerand

Rejeté par la communauté des humains, Mattis est un " demeuré ", un marginal affectif. Chez lui règne une autre intelligence, proche de l'instinct animal. Avec ce magnifique solo extrait d'un roman norvégien, Claude Régy, un maître du théâtre français, nous mène aux limites sensorielles de la représentation. Du son, du sens, peu d'image : " faire entendre, sans rien montrer ".

Écrit en 1957 en " nynorsk ", une langue quasi dialectale, Les Oiseaux participe d'une littérature norvégienne fortement nourrie de mythologie ancienne et où la nature est omniprésente. Dans l'ouvre de Vesaas, vie et mort, parole et mutisme, sagesse et folie, nuit et jour ont des frontières très peu visibles. C'est aussi là, entre ombre et lumière, entre aveuglement et lucidité instinctive, que se situe l'esprit de Mattis, une créature ambigu√´. Il observe le tracé du vol des oiseaux dans le ciel, les signes de leurs pattes dans la boue. Il essaie d'entrer en conversation avec eux.
Claude Régy, plutôt que de fabriquer une réduction pédagogique du roman, en extrait une quarantaine de pages et les fait " dire-vivre " à Laurent Cazanave. Jeune comédien sorti de l'école du Théâtre National de Rennes, il est le conteur, l'interprète unique de ce moment de théâtre, suspendu, d'une austérité fascinante.
Mattis, seul dans un mur de brouillard, est le centre du spectacle... Le théâtre de Claude Régy nous invite à chercher ailleurs, aux confins du non-conscient, une connaissance d'un autre ordre, une luminosité qui n'exclut pas l'ombre. Dans Brume de Dieu, " le spectateur, dans l'insécurité d'une vision tremblante, est conduit dans des terres sans repères dont la poésie seule peut faire entendre des échos... ".